THROMBOSES

THROMBOSES
THROMBOSES

La thrombose est la formation de caillots dans les vaisseaux sanguins d’un homme ou d’un animal vivant. Trop souvent encore, on l’attribue à une coagulation anormale du sang résultant en partie d’un état, très contesté, d’hypercoagulabilité. En fait, selon le diamètre des vaisseaux, la thrombose diffère: elle reste pariétale, localisée le long des parois dans les gros vaisseaux, mais elle devient oblitérante dans les petits vaisseaux.

Le danger majeur d’une thrombose intra-artérielle est l’infarctus , particulièrement dans les artères nourricières du cœur, les artères coronaires, mais aussi dans les artères d’autres viscères, le cerveau, le rein, la rate et aussi dans les artères périphériques, comme celles des membres. Les tableaux cliniques qui résultent de l’oblitération vasculaire seront donc très variés selon la nature de l’organe atteint.

La thrombose dans les veines est au contraire souvent latente. Le risque majeur (indépendamment des accidents vasculaires, qui sont traités dans l’article VAISSEAUX SANGUINS ET LYMPHATIQUES), réside dans l’éventualité d’une embolie pulmonaire , notamment chez les alités (accouchées, opérés) ou chez des cardiaques. L’expression clinique de l’embolie pulmonaire est très variable: accès dyspnéique aigu, tableau d’infarctus pulmonaire (douleur thoracique basse, hémoptysie, épanchement pleural), insuffisance circulatoire subite, état de choc et même mort subite.

En dehors de la fréquence considérable des thromboses, qui place ces affections au premier rang de la morbidité, il est important d’insister sur la physiopathologie variable des formes diverses de thrombose, qui justifient des traitements différents.

Structure d’un thrombus

Un thrombus n’est pas un caillot. Un caillot se forme dans un sang statique , contenu dans un récipient au laboratoire; il renferme des globules rouges, des globules blancs et des plaquettes dispersés plus ou moins au hasard dans les mailles d’un réseau de fibrine. Un thrombus se développe au contraire dans le sang circulant , et est composé d’une tête et d’une queue. La tête consiste, au début de sa formation, en une masse de plaquettes agrégées avec de nombreux globules blancs, quelques globules rouges et seulement une petite quantité de fibrine; ensuite, on retrouve de la fibrine entre les plaquettes isolées: les plaquettes sont donc tout d’abord adhérentes au tissu conjonctif sous-endothélial, puis elles s’agrègent entre elles et enfin, ultérieurement, elles sont entourées de fibrine. La structure de la queue du thrombus, qui consiste essentiellement en fibrine enserrant les globules rouges, ressemble à celle du sang coagulant dans un tube.

Dans un thrombus artériel, le composant majeur est la tête plaquettaire, tandis que la queue fibrineuse ne représente qu’une faible part; par contre, dans le système veineux, la tête plaquettaire du thrombus peut être très petite à l’endroit où elle est attachée, avec une queue faite essentiellement de globules rouges nageant dans le courant sanguin.

Un clou hémostatique ressemble à un thrombus. À la suite de la coupure d’un vaisseau, des masses de plaquettes agrégées s’accumulent sur les bords de la lésion et empêchent, au bout de quelques minutes, tout suintement hémorragique. Le clou hémostatique est composé d’une masse de plaquettes sanguines avec un peu de fibrine et quelques globules rouges à la périphérie; les plaquettes, mises au contact du tissu conjonctif de la paroi vasculaire, se gonflent, perdent la plus grande part de leur contenu cytoplasmique et ont souvent des brisures de leur membrane périphérique; en contraste avec les plaquettes adhérant au tissu conjonctif, les plaquettes du centre du clou hémostatique montrent peu d’altérations ultrastructurelles; elles conservent la plupart de leurs organelles et leur capacité d’arrêter les électrons reste notable; ce n’est pas la fibrine qui lie les plaquettes entre elles, mais l’adénosine diphosphate (ADP). À la périphérie d’un clou hémostatique, on trouve de la fibrine entremêlée entre les plaquettes et les globules rouges; si les plaquettes, à ce niveau, ont perdu leurs constituants cytoplasmiques, il semble bien que cela soit dû surtout à de la thrombine, qui cause des changements structuraux voisins de ceux qui sont causés par le collagène et associés à une libération de l’ADP plaquettaire.

Physiopathologie

Il y a plus de cent vingt ans, R. Virchow soulignait que les modifications de trois facteurs sont prédisposantes pour la thrombose: les structures du vaisseau, les facteurs circulants (protéines du plasma et plaquettes) et la stase circulatoire. Ce sont surtout les travaux des vingt dernières années qui ont permis de reconnaître l’importance de ces différents facteurs selon que la thrombose se constitue dans le système artériel ou veineux.

Rôle des différentes structures du vaisseau

On sait que tout vaisseau est revêtu intérieurement d’une mince couche de cellules aplaties, formant l’endothélium, autour duquel se trouvent des éléments conjonctifs, et notamment du collagène. P. A. Owren avait soutenu, dès 1971, que la thrombose débute chaque fois qu’entrent en contact les fibres du collagène du tissu sous-endothélial et les plaquettes. Ce point de vue doit être nuancé dès lors que l’on sait que les plaquettes peuvent adhérer à des structures sous-endothéliales non sensibles à la collagénase (M. B. Stemerman, 1971).

La surface endothéliale , normalement, ne permet ni la coagulation du sang ni l’adhésion des plaquettes; mais toute lésion détruisant l’endothélium et exposant les tissus sous-endothéliaux au sang déclenche la formation de thrombus, principalement dans les artères. Dans les thromboses veineuses, des pores intercellulaires se produisant entre les cellules endothéliales ont pu permettre aux plaquettes d’adhérer au tissu sous-endothélial. Un endothélium peut apparaître intact en microscopie électronique et cependant être thrombogène. S. Johnson a pu montrer (1971) que l’endothélium était capable de phagocyter les plaquettes sans qu’on puisse faire la preuve d’une adhésion préalable de ces plaquettes à l’endothélium. Le concept, très défendu par les rhéologistes, d’une mince couche de fibrine protégeant l’endothélium ne semble pas pouvoir être confirmé par l’étude des ultrastructures. L’hypothèse séduisante (M. Pandolfi, 1969), d’une balance entre cet hypothétique film de fibrine et une permanente fibrinolyse (cf. HÉMOSTASE ET HÉMORRAGIES, fig. 2) liée à la libération d’un activateur du plasminogène par les structures du vaisseau reste encore à confirmer. Une rupture de cette balance, par diminution de l’activateur ou par anomalie de sa libération, pourrait être responsable de certaines maladies thrombo-emboliques (Lacombe, 1971). L’augmentation de la fréquence des thromboses en relation avec l’athérosclérose est problablement due au fait qu’au niveau des plaques d’athérosclérose, souvent ulcérées et brisées, l’endothélium desquame assez facilement.

Par ailleurs, Stermerman (1971), après dénudation de l’endothélium de l’aorte de lapin grâce à une lésion minime intravasculaire, a montré que les microfibrilles ainsi mises à nu (fibrilles sous-endothéliales ) sont insensibles à la collagénase, mais sensibles à la trypsine; or, elles permettent une adhésion plaquettaire rapidement irréversible, qui ne doit donc rien au contact avec le collagène.

La membrane basale ne paraît, en fait, qu’une forme peu polymérisée de collagène. Elle est sensible à la collagénase (G. Majno, 1969) et entraîne une adhésion suivie d’une agrégation plaquettaire irréversible et de la libération de nombreux constituants plaquettaires essentiels.

De toutes les structures de la paroi du vaisseau, le collagène est celle qui est la mieux connue; il participe à la coagulation en agissant sur l’activation du facteur Hageman, c’est-à-dire du facteur XII du système formateur de la thromboplastine (cf. HÉMOSTASE ET HÉMORRAGIES, fig. 1).

Dans les mêmes conditions, si les plaquettes n’adhèrent pas à l’élastine , elles possèdent une activité élastinolytique (Y. Legrand et ses collaborateurs, 1972), différente de l’activité des cathepsines plaquettaires.

En conclusion, il faut concevoir la thrombose comme relevant d’un mécanisme différent selon qu’elle survient dans des vaisseaux artériels ou veineux, en fonction de la constitution des tuniques vasculaires.

Interaction surfaces-plaquettes

Les modifications irréversibles subies par les plaquettes ne sont l’apanage ni du collagène (ou de sa forme peu polymérisée, la membrane basale), ni de la thrombine.

Grâce à l’action de certaines drogues, telles l’aspirine, la phénylbutazone, on a pu agir sur l’adhésion des plaquettes au collagène sans intervenir ni sur l’agrégation plaquettaire à l’ADP, ni sur la coagulation du sang. Il est important à ce propos de ne pas méconnaître que les plaquettes ont un rôle également dans le rejet des greffes: en effet, avant le rejet des greffes rénales, on note que les plaquettes sont agrégées, dans le rein transplanté, au contact des gammaglobulines; mais, si l’on traite préventivement le sujet avec des stéroïdes anti-inflammatoires (proches de la phénylbutazone) ou des immuno-suppresseurs, on réduit cette adhésion et cette agrégation. Les mêmes drogues inhibent d’ailleurs la réponse des plaquettes à des stimuli de surface, tels le collagène ou les surfaces recouvertes de gammaglobulines; un exemple de thrombose induite par des stimuli au niveau de surfaces non biologiques est celui qui est associé à la pose de prothèses valvulaires: les plaquettes, au niveau de cette surface, subissent des changements qui sont les mêmes que ceux que l’on retrouve autour des thrombi ou des clous hémostatiques formés en réponse à une lésion vasculaire. L’héparine, le Dextran de bas poids moléculaire sont capables d’inhiber l’adhésion de ces plaquettes, tandis que les anticoagulants antivitamines K ne le sont pas; l’héparine est efficace à des doses n’entraînant aucune modification de la coagulation. Les modifications des plaquettes au contact de ces différentes surfaces sont très voisines; elles libèrent leurs constituants, dont l’ADP qui cause l’agrégation; la stabilité de la masse plaquettaire initiale est déterminée non seulement par la vitesse avec laquelle l’ADP est formé, libéré, mais également par la vitesse à laquelle il est déphosphorylé en adénosine monophosphate (AMP) puis en adénosine.

Il existe des modifications plaquettaires susceptibles de donner l’alarme en cas de crainte de maladies thrombo-emboliques; H. P. Wright a montré (1942) que l’adhésion plaquettaire au verre augmentait chez les sujets ayant subi des interventions chirurgicales; il existe une coïncidence entre l’augmentation du nombre des thrombocytes dans le sang des opérés et la susceptibilité aux thrombo-embolies. Les plaquettes les plus jeunes sont plus adhérentes que les plaquettes les plus vieilles, comme l’ont montré les études des populations plaquettaires: il existe des plaquettes jeunes, plus lourdes et métaboliquement plus actives, qui adhérent mieux au collagène et aux surfaces de verre. Dans d’autres circonstances, d’autres facteurs peuvent être favorisants tels que la libération d’adrénaline et de noradrénaline qui ont une action directe sur l’agrégation plaquettaire et qui potentialisent l’action de l’ADP, et, par là, favorisent la coagulation et la stase.

Rôle de la coagulation du sang

Il est généralement admis qu’un facteur tissulaire est libéré par le vaisseau lésé; il intervient dans le mécanisme de la coagulation en prenant part au système dit extrinsèque de la formation de la prothrombinase. La mise à nu du collagène entraînant une activation du facteur XII intervient d’autre part dans la formation de prothrombinase par voie intrinsèque et va entraîner ainsi la transformation de la prothrombine en thrombine qui consolide le thrombus plaquettaire (cf. HÉMOSTASE ET HÉMORRAGIES, fig. 1). Lorsque les plaquettes sont agrégées par l’ADP, la coagulation du sang est accélérée et les phospholipides plaquettaires sont disponibles pour la coagulation; ainsi, les agrégats plaquettaires déterminent l’accélération de la coagulation. De plus, la thrombine provoque une libération d’ADP; ainsi la production de thrombine est-elle un facteur intervenant dans la croissance de la masse initiale plaquettaire. S. Wessler (1969) a pu réaliser un système intermédiaire entre caillot et thrombose chez le lapin en associant stase veineuse et injection de sérum provenant de sujets déficients en un facteur de la coagulation. Il a montré que le facteur sérique important semble bien être le facteur X activé (100 fois plus actif que le facteur X non activé), normalement absent du sang circulant. Cette thrombose, selon Wessler, dépend aussi du diamètre du vaisseau, donc des phénomènes de rhéologie. Ajoutons enfin qu’un de ces thrombi, libéré dans la circulation et passant dans la circulation artérielle, se couvre bien vite de débris plaquettaires.

D’autres facteurs interviennent, tels les acides gras, à longue chaîne (souvent liés à l’albumine), les désordres induits dans le système fibrinolytique protecteur (par exemple, chez certaines femmes prédisposées, au cours des traitements anovulatoires), l’importance de l’hémostase primaire par rapport à la coagulation, et surtout les interactions de tous ces facteurs entre eux. On en donnera pour exemple le fait que les produits de lyse de la fibrine par la plasmine ont, selon leur composition, une action sur les plaquettes, sur les facteurs de coagulation et peut-être sur le vaisseau lui-même.

Le flux sanguin, la stase

Au cours de l’hémostase, la réduction du flux sanguin dans le vaisseau lésé rend le clou hémostatique plus solide; les vaisseaux lésés se contractent, ce qui paraît important pour assurer l’hémostase: aux endroits de bifurcation, les thrombi se forment davantage lorsqu’il y a des lésions; les différences du matériel qui s’accumulent à ces endroits sont en relation avec le flux sanguin. Les études des shunts extra-corporéaux chez le porc ont montré que les sites de prédilection pour la formation de thrombi se placent aux endroits de bifurcation ou à l’origine de branches vasculaires; aux mêmes endroits interviennent des modifications des éléments sanguins, tels les plaquettes et les globules rouges, ce qui peut entraîner une libération d’ADP qui potentialise la formation de thrombi.

Cas particulier des thromboses intravasculaires disséminées

Les thrombi intervenant dans la circulation causent des lésions tissulaires: ainsi, dans le phénomène de Schwartzmann, des agrégats plaquettaires survenant dans la microcirculation, fût-ce de manière transitoire, changent la structure et la fonction d’un organe; si l’on injecte de l’ADP dans la microcirculation du cœur pendant cinq à dix minutes, un infarctus peut survenir. Si, dans la circulation rénale du lapin, on crée des agrégats plaquettaires, on induit une glomérulonéphrite focale aiguë qui se développe avec des zones de nécrose corticale; on trouve des thrombi fibrinoïdes dans les artérioles rénales et dans les capillaires glomérulaires un jour après l’infusion d’ADP. Il semble donc que des thrombi fibrineux succèdent à la formation des agrégats plaquettaires, soit parce que les agrégats plaquettaires persistent, soit parce qu’ils ont entraîné des lésions vasculaires. Les facteurs qui peuvent entraîner l’agrégation plaquettaire dans les vaisseaux sont, par exemple, les complexes antigène-anticorps, des virus, des bactéries, des endotoxines. Leur intervention met en jeu le complément (cf. COMPLÉMENT - Immunologie), dans des phénomènes immunologiques non sans analogie avec la réaction entre collagène et plaquettes, du fait, notamment, de la libération, entre autres, d’ADP ou d’autres nucléotides et de facteurs entraînant l’augmentation de la perméabilité vasculaire et la contraction des muscles lisses.

Traitement

Du fait qu’une thrombose veineuse est liée à une formation de prothrombinase active importante associée souvent à un défaut de libération d’un activateur de la fibrinolyse, il est logique de conserver, dans ces cas, le traitement anticoagulant traditionnel, fait d’héparine et d’antivitamines K.

Lorsqu’une thrombose artérielle se constitue, un traitement fibrinolytique par streptokinase ou urokinase peut être tenté en milieu hospitalier spécialisé. Dans les cas où l’on redoute qu’un tel thrombus se constitue à bref délai, les inhibiteurs de l’adhésion et de l’agrégation plaquettaire trouvent leur indication. Ils seront, ou non, associés aux anticoagulants traditionnels, particulièrement l’héparine.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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